Chloé Donin
Un blog pour les passionnés de l'Italie...
Culture
Simone Venezia Orfèvre

Retour d’expérience d’un orfèvre italien

Le métier d’orfèvre ne connait pas la crise en Italie, bien au contraire, puisque le marché du luxe est en perpétuel croissance. Grâce aux nouvelles technologies on peut créer des bijoux de plus en plus beaux et de plus en plus sophistiqués.
C’est un métier assez rare, avec une formation compliquée, qui demande beaucoup de curiosité, de patience, mais aussi et surtout de passion et de créativité, en plus d’avoir la fibre commerçante.
L’Italie est le premier pays au monde dans le secteur de l’orfèvrerie et de la bijouterie, sur le plan de la production. Le marché connait une forte croissance, surtout sur le plan de l’exportation à l’étranger.

Quelle est la différence entre :

gemmes

Le gemmologue

Le gemmologue est la personne qui évalue la qualité des pierres (vraies ou fausses) et surtout qui a une grande connaissance des minéraux qu’on appelle des gemmes de couleurs. Il faut avoir une bonne connaissance aussi des perles de culture et des diamants. Pour résumer, un bon gemmologue se doit de savoir reconnaître, identifier et classifier les gemmes, diamants et perles de cultures et cela grâce aux différents outils adaptés au métier.

Les pierres se distinguent selon 3 catégories :

pierres précieuses

– précieuses (diamants, émeraudes, rubis et saphir)
– fines (turquoise, topaze, quartz, pierre de lune, opale, jade, agate, hématite…)
– organiques (ambre, corail, jais, mellite, nacre)

Le joaillier

Le métier de bijoutier ou joaillier consiste à acheter des bijoux à  des grossistes et surtout à connaître les grandes marques. Contrairement à l’orfèvre, il n’est pas un expert des pierres, de la chimie et des métaux mais plutôt un expert en marketing et en communication.

L’orfèvre

L’orfèvre s’occupe de la conception du bijou de A à Z, c’est à dire de l’idée et désir du client jusqu’à l’achèvement du projet. Pour faire ce métier il faut donc être créatif, mais aussi avoir un bon feeling avec la clientèle afin de bien comprendre le projet et l’esprit dans lequel le bijou doit être réalisé. En plus de cela, il faut avoir une bonne connaissance des pierres, de leur taille mais aussi des différentes tendances de la mode.

Il doit  également avoir des connaissance en chimie et maîtriser les métaux. S’il veut exceller, il lui faut de bonnes notions informatiques pour la maîtrise des logiciels 3D. Plus il se spécialise grâce à différentes formations, plus il sera apte à s’adapter à la demande de la clientèle. Il pourra alors proposer différents styles de bijoux de grande précision et qualité.

 

Comment devient-on orfèvre ?

outils orfèvrelà où tout commence3 bagues étape 23 bagues

Pour devenir orfèvre, il y a plusieurs cursus possibles, soit le Liceo artistico (Lycée artistique), soit intégrer un Istituto d’arte Margheritone. Le nom istituto est en fait ce qu’on appelle en France le Lycée professionnel. L’avantage de l’Istituto, c’est que l’on peut, dès la 3ème année d’école supérieure, pratiquer un cursus de joaillerie.

Il est également possible, dès cette année là, d’intégrer en parallèle des Scuole private ou Accademie (écoles privées) un peu partout en Italie. Firenze, Arezzo, Valenza, Vicenza sont des pôles importants pour le secteur de la joaillerie, c’est là  que se trouvent les meilleures écoles pour devenir orfèvre. Pour pouvoir intégrer ces écoles privées, qu’on appelle chez nous les grandes écoles,  il y a une sélection et pour cela il faut passer un test d’entrée.

Dans ce métier il ne faut pas hésiter à se perfectionner et à faire de nombreuses formations dans le but d’apprendre à tailler une gemme, manipuler des logiciels 3D ou encore se former à la chimie des métaux afin de bien les manipuler. Il existe aussi des formations pour se spécialiser dans un style de bijoux, par exemple la reproduction de bijoux anciens et traditionnels ou au contraire très design. C’est pour cela que la curiosité est un atout dans ce métier, il faut toujours s’informer sur les styles et les méthodes de fabrication d’un bijou.

 

Le profil d’un orfèvre

Qui est Simone ?

Portrait orfèvre Matera

Simone Venezia est un orfèvre « aux mains en or », il conçoit des bijoux de A à Z avec beaucoup de sensibilité et d’émotion. Il a étudié dans différentes villes telles que Firenze, Arezzo, Valenza, ou encore Vicenza.

Son cursus
Son enfance et sa déception

C’est incroyable mais vrai, Simone se découvre une véritable passion pour la fabrication des bijoux et il conçoit ses premiers bijoux à l’âge de 9 ans. En récupérant de vieux câbles électriques, il s’amuse à faire des bagues pour sa sœur.

A l’âge de 15 ans, il découvre la sculpture sur tuf (tufo), la pierre traditionnelle de Matera (en Basilicate), et il créé ses premières sculptures. Il se découvre alors une vraie passion pour cet art, peu reconnu comme activité artistique prestigieuse. Malgré son talent, son entourage ne semble pas prêt à investir dans une sculpture en pierre. On lui répète sans cesse Ce n’est qu’un morceau de pierre, pourquoi payer cette statue ?. Cette grande déception pousse alors Simone à poursuivre ses études dans le but de devenir orfèvre, en partant du principe que personne ne pourra lui répondre C’est seulement de l’or, pourquoi payer ce bijou ?. De la sculpture sur pierre, il passe alors alors aux bijoux en fils de cuivre…

C’est grâce à cette expérience qu’il s’entraîne et expérimente des créations de la plus grande à la plus petite, un peu comme un défi de « taille ». Il réutilise tout objet potentiellement recyclable dans le but d’en faire un bijou et de lui redonner une âme.

Ses études

Après ces différentes expériences et ayant cette fibre créatrice et artistique, il décide de poursuivre son instinct et se lance dans des études d’art au Lycée Artistique de Matera. Ainsi, après le lycée, il oriente son cursus dans l’art de l’orfèvrerie et étudie dans les villes italiennes où cet art se pratique selon des méthodes anciennes et traditionnelles telles qu’à Arezzo (Toscane), Vicenza (Vénétie), Valenza (Piémont). A travers ce parcours, il arrive même à intégrer les boutiques de grands maîtres orfèvres italiens.

Son retour à Matera

Simone Venezia s’est formé à toutes les étapes de ce métier, allant du simple croquis (schizzo), à l’utilisation de logiciels 3D (prototipazione/progetazione 3D) puis à la taille de pierre (taglio), au sertissage des gemmes (incastonatura) et cela grâce aux techniques de travail des métaux précieux (lavorazione dei preziosi metalli). Ce parcours complet lui permet aujourd’hui d’exercer dans sa ville natale, Matera.

Ce qu’il aime dans son métier

L’étape qu’il préfère aujourd’hui est l »échange d’idées avec ses clients. C’est une étape qui, je cite, est un peu comme un psychologue avec son patient. Il faut arriver à comprendre le désir de son client et pour cela il faut souvent rentrer dans l’intimité de celui-ci afin obtenir un bijou qui correspond le plus possible à ses attentes. Ce qui lui plait également, c’est de réfléchir aux différentes étapes qu’il faudra mettre en place pour arriver au bijou final, selon les critères donnés par le client. Autrement dit, il est passionné par cette phase de réflexion et de créativité qu’il entreprend pour chaque projet.

Ce qui fait de Simone un orfèvre hors pair est, selon moi, sa curiosité et cette envie de défis perpétuels. Chacune de ses créations qu’il crée est unique et cela depuis 10 ans maintenant.

 

Le travail de Simone Venezia

Élaboration du projet

créations d'un orfèvre Simone VeneziaComme le dit si bien Simone, il faut passer par cette fameuse étape de psychologie. Une fois qu’il a défini avec le client la nature du projet, il passe à l’étape du croquis et commence à sélectionner les matériaux et gemmes qu’il va utiliser pour réaliser celui-ci.

Préparation de la gemme

bague en or jaune et peridoto verde et diamantsbague vertefinissions bague vertejoyau vert

Une fois que le projet est bien défini, il faut passer à l’étape de la taille de pierre, et ce n’est pas une mince affaire !

Dans cette vidéo Simone explique qu’une fois la gemme décrochée de son minerai, il faut la tailler, en tout il y a 6 grandes étapes dans la préparation de la gemme : analyse, ébauche, encimentage, taille de la pierre, polissage et rinçage.

Les 3 premières étapes…

… consistent à donner une forme à la pierre :

      • L’analyse est une étape très importante car elle permet de préserver la partie brute de la pierre, c’est à dire la meilleure partie de la gemme, et de limiter les pertes de matière.
      • Ébaucher une pierre c’est dégrossir la pierre en ponçant la pierre pour enlever toutes les bordures de celle-ci. Pour cela on utilise tout d’abord une ponceuse (levigiatrice), cela permet de donner à la pierre une forme plate par exemple, appelée aussi pierre cabochon telle qu’on le voit dans cet extrait.
      • L’encimentage est l’étape qui permet de tailler la pierre avec précision grâce à une machine appelée meule de poli ou de taille (tagliatrice) et d’un étui ou bâton sur lequel on fixe la pierre avec du ciment lapidaire. Cette meule en cuivre diamantée permet d’orienter la gemme et d’orienter les angles de taille, ce que l’on appelle aussi la taille à facettes. Cette technique est surtout utilisée pour les gemmes translucides et transparentes afin de renvoyer la lumière, ce qui permet de créer des jeux de miroir. Pour les différentes formes et tailles de gemme voici un lien très intéressant en italien : ici.
Les 2 étapes qui suivent…

… permettent de donner toute sa brillance à la gemme, avant l‘incrustation de celle-ci, l’ultime étape pour la pierre :

      • Une fois que l’on a donné à la gemme la forme souhaitée, il faut la poncer pour qu’elle brille. On appelle cette étape là le polissage.
      • Le rinçage dans de l’alcool à brûler redonne tout son éclat à la gemme.
La dernière étape…

… sera celle de l‘incrustation de la gemme sur le bijou, c’est à dire qu’on finit par sertir le bijou.

Travail du métal et/ou conception du socle

Un orfèvre se doit de connaître également la chimie des métaux, d’une part si le bijou est seulement constitué de métal, ou d’autre part si le métal sert de socle et de support aux gemmes. C’est donc l’orfèvre lui même qui manie le métal de ses propres mains et qui lui donne la forme souhaitée, pour cela il doit savoir souder au chalumeau, graver et manier le métal mais aussi et surtout savoir créer un alliage solide.

métal précieux

Incrustation de la pierre – Étape du sertissage

Cette étape est importante car elle est l’étape maîtresse du projet. Si gemme il y a, c’est la dernière pièce qui vient clôturer le projet, voici un exemple en image.

étapes de fabrication orfèvre

Un grand sens de l’esthétique

Simone a le sens du détail, et a beaucoup de goût pour la présentation de ses bijoux. Pour cela il suffit de visiter son magasin, le décor et les bijoux se mêlent à la perfection, les actrices célèbres que l’on voit ici portent ses créations.

Magasin Simone Venezia

Simone a l’élégance dans la peau, d’un chou ou d’un morceau de glace il en fait un présentoir de luxe pour ses bijoux. Il a l’art et la manière d’ajuster un objet quelconque pour sublimer ces œuvres d’art. Il sait aussi saisir chaque recoin de sa ville natale, Matera ville classée UNESCO, pour la transformer en un magasin géant naturel. En somme, il vous donne cette envie de rêver et de réaliser vos rêves.

Lancez lui un défi et il sera vous le transformer en un somptueux bijou plein de sens et d’émotion. Pour ma part je viens de lui confier un désir fou, celui de résumer ma passion pour l’Italie, l’italien et mon métier d’enseignante en un bijou… suspens !

bijoux sens du détailbijou présentationPrésentation d'un bijou chou fleurboutons de manchette

Retrouvez le sur son site internet Simone Venezia Orafo ou sur son blog : uniquement en langue italienne.

*Photos et vidéos réalisées par Simone Venezia

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4 commentaires
  1. Bravo pour ce magnifique article Chloé ! Je dirais même pour ce dossier, tu as dû y passer du temps, merci de partager ta passion.
    Les bijoux sont simplement magnifiques. Les orfèvres français peuvent se faire du souci ! 😉
    Un abrazo,

  2. Fornetti dit :

    Magnifique et magnifiquement rédigé!!
    Bravo Simone pour tes talantueux talents!!!
    Bravo Chloé la super blogueuse qui n’a pas loupé un détail dans la constitution de ce bel article !!❤️❤️❤️
    Belles créations…pour la suite !

    1. Chloe dit :

      Merci beaucoup !
      Il faut dire que le travail de Simone est remarquable et ses photos le sont tout autant !
      Je ferai prochainement un second article sur le déroulement de la fabrication d’un bijou de A à Z par un autre orfèvre, napolitain cette fois-ci. 😉
      A presto !

  3. Très bon article détaillé et complet 🙂 Un grand merci pour ce partage Chloé.
    J’aime beaucoup la partie conception du »psychologue avec son patient », on sent qu’il y a une vraie passion derrière ce profil. L’envie de réaliser des bijoux uniques. On est loin de l’industrie. C’est beau de voir que ces métiers artisanaux persistent.

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